• Tutorer une formation c'est l'accompagner. Ce verbe "accompagner" est bien décrit par Mireille Cifali et Alain André dans leur ouvrage "Ecrire l'expérience - Vers la reconnaissance des pratiques professionnelles". (Puf - 2007)

    "En quoi consiste cet accompagnement ? Dans une relation professionnelle, accompagner se spécifie par rapport à d'autres termes : contraindre, prendre en charge ou transmettre, notamment.
    Accompagner serait aller avec, être à côté de, donner une place à l'autre, partir de l'autre et pas de soi. "Aller avec" évoque un professionnel qui se déporte vers le chemin de l'autre et pas de soi. Il est là, présent, permettant qu'un autre traverse l'épreuve, le moment, l'évènement. L'autre pourrait ainsi "compter sur" l'accompagnateur mettant à son service le savoir qu'il possède. Accompagner signifierait que l'on a intégré le fait que l'on ne peut pas agir et décider à la place de quelqu'un : que, sur certains registres de la vie, on ne peut contraindre, qu'il faut "aller avec", dans le mouvement imprimé par un autre. On propose, on accueille, on suggère, on renonce à l'injonction. Avec accompagner, on s'éloignerait, aussi, de la prise de pouvoir sur autrui." - Pages 44 et 45

    Ce paragraphe est un beau morceau choisi pour qui a la tâche de tutorer une formation entièrement à distance par exemple. Le questionnement engendré par la lecture de ce texte peut modifier la pédagogie du formateur sur le fond et sur la forme.

    Certes, l'apprenant est un agent du dispositif, mais il en est aussi le sujet. Le formateur ne travaille pas sur une "poiésis" (fabrication d'objets), son action vise l'humain :

    "Toute pratique renvoie à une activité exercée en vue d'obtenir un résultat, mais ici il s'agit d'une activité visant un autre humain. Les métiers concernés s'inscrivent dans des histoires sociales, voire familiales et personnelles, qui interdisent de les réduire à de purs savoirs et modes opératoires abstraits. Ils ont pour spécificité de s'adresser à des personnes en visant le développement de leur autonomie, qu'il s'agisse d'élèves, de "formés", de patients ou d'usagers..." - ouvrage cité page 82

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    Jacques Cartier
    Formateur Difor, professeur de Technologie
    Doctorant en Sciences de l'Education (Université de Rouen)
    Master en Ingénierie Pédagogique dans des Dispositifs Ouverts et à Distance
    http://www.jacques-cartier.fr/


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  • L'article ci-dessous fait partie du travail réalisé par Lucie Audet "Pour franchir la distance - Guide de formation et de soutien aux enseignants et formateurs en formation à distance". (1) (2)

    En quelques paragraphes, on se met dans la peau d'un formateur confortablement installé chez lui, dans son jardin. Il serait intéressant de dresser une liste des compétences dont il doit faire preuve pour mener à bien sa tâche distante.

    Pour ce faire :

    • Prendre un cahier de brouillon 48 pages ;
    • Dessiner un tableau sur 2 colonnes ;
    • Dans la première colonne écrire une tâche réalisée par ce formateur ;
    • Dans la seconde indiquer la ou les compétences utiles.

    Je relève les copies dans 15 minutes !

    "Installé(e) dans votre jardin, vous entrez dans votre classe. Vous jetez un coup d'œil aux activités des derniers jours. Les problèmes d'accès aux textes qu'avait Marie-Pierre sont maintenant réglés, grâce aux efforts combinés du service technique et de certains de ses collègues. Étienne a, depuis peu, un cyber-mentor. Les conseils de ce dernier semblent porter fruit : Étienne a complété le second chapitre et déposé son premier travail. François, fidèle à lui-même, est très actif dans la salle d'échanges informels où ses blagues semblent appréciées.

    Vous voyez aussi que neuf étudiants sont actuellement en ligne. Vous les saluez. Ils avaient d'ailleurs aussi pu constater votre présence. Vous modifiez ensuite le babillard pour annoncer des modifications à l'horaire des examens automatisés. Les derniers travaux ont été déposés et commentés par les membres du groupe-cours. Une version annotée par vous a été jointe aux résultats individuels qui ont été envoyés automatiquement et de façon sécuritaire à chaque étudiant. Ils ont tous eu aussi accès à la moyenne du groupe et à vos commentaires généraux. Sébastien vous demande un entretien. Il a lu les consignes et la foire aux questions mais a encore besoin de certaines précisions sur l'exercice 5. Vous savez, d'après le profil d'apprentissage qu'il a établi, que Sébastien est un auditif et lui suggérez donc de vous rejoindre dans l'espace de conférence audio. En l'attendant, vous consultez son dossier et son portfolio et repérez certains autres points à discuter.

    Vous parcourez ensuite les différents lieux de discussion. Plusieurs éléments originaux y ont été ajoutés. Firmin et Diane ont partagé, sur un tableau blanc, leurs cartes conceptuelles et sont parvenus à une synthèse commune. François a trouvé le moyen d'illustrer, par un dessin animé de son cru, des éléments de la discussion. Luc, qui est pourtant en vacances hors du pays, a ajouté de nombreuses références sur le sujet. Son journal de bord témoigne de ses progrès : il a terminé le recueil de textes et synthétisé ses acquis. Il a aussi fait des explorations complémentaires : un monde virtuel l'a particulièrement fasciné. Vous consultez les résultats d'un sondage sur la pertinence du matériel de cette section. Il a été complété anonymement par plusieurs étudiants. Certaines de leurs critiques sont sévères. Vous les transmettez à l'équipe. L'infographiste suggère immédiatement l'ajout de diagrammes animés. Vous envisagez aussi l'addition d'explications en vidéoconférence synchrone.

    Les consignes sur le projet à compléter cette semaine sont déjà affichées, avec les indications sur la façon de se procurer le matériel nécessaire. Les équipes ont été formées en fonction des profils des étudiants. Vous consultez leurs échanges et constatez une incompréhension entre Ahmed et Nicole. Vous clarifiez. Vous remarquez aussi un déséquilibre dans l'ampleur du travail fourni par certains membres des équipes. Vous ajoutez un message, dans la salle de travail réservée à chacun de ces sous-groupes, rappelant que la participation à l'équipe sera aussi évaluée. Dans l'ensemble, les travaux progressent déjà très bien ; vous attendrez avec impatience leurs maquettes multimédia."

    Document publié avec l'autorisation de l'auteure.

    (1) Source  : "Pour franchir la distance"
    Refad - Guide de formation et de soutien aux enseignants et formateurs en formation à distance.

    http://www.refad.ca/nouveau/guide_formateurs_FAD/guide_formateurs_FAD.html

    Lucie Audet est spécialiste en communication. Elle est titulaire d'une maîtrise en technologie de l'information ainsi que d'une maîtrise en science politique. Ses recherches ont surtout porté sur l'utilisation d'Internet comme outil de collaboration et de consultation, sur l'analyse des politiques de communication et sur les mécanismes de participation des publics.
    Formatrice et consultante, elle a participé au développement de plusieurs environnements d'apprentissage informatisés. Elle a aussi travaillé au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), où elle a acquis une connaissance approfondie des réseaux de télécommunication canadiens et à la Télé-université, où elle a participé à la mise en place de réseaux de travail collaboratif internationaux.

    (2) Précédents billets dans e-difor citant les travaux de Lucie Audet :

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  • Lorsque l'on se pose la question de la formation de formateurs appelés à introduire du distant dans leur pratique, on commence par lire des ouvrages qui traitent de cette question. Au fur à et mesure des lectures la question de la professionnalisation des acteurs émerge. N'est-ce pas là le centre du problème ?

    Le nom de Donald Schön revient fréquemment dans les écrits. Son ouvrage "Le praticien réflexif" est cité dans nombre de documents.

    Dans les archives de l'INRP (1) figure un numéro dédié à ce sujet intitulé "Le praticien réflexif - La diffusion d'un modèle de formation"  (N°36 - 2001).(2)

    Dans ce numéro, Marie-Josée DUMOULINCéline GARANT et Hélène HENSLER (3) ont co-écrit le chapitre suivant : "La pratique réflexive, pour un cadre de référence partagé par les acteurs de la formation." Page 29 à 42.

     

    Les auteurs définissent ainsi les principaux attributs du concept de pratique réflexive en enseignement :

     

    "Les principaux attributs du concept de pratique réflexive en enseignement tels qu'ils se dégagent de l'analyse d'une série de textes publiés en langue anglaise au cours des quinze dernières années peuvent se résumer comme suit :

    - la pratique réflexive consiste en l'analyse de son expérience d'enseignement passée, présente, future et conditionnelle. Elle s'accompagne d'une démarche de structuration et de transformation de ses perceptions et de son savoir ; elle vise, entre autres, l'émergence ou l'explicitation d'un savoir tacite ;

    - la pratique réflexive est une démarche qui fait appel à la conscience et à la prise en charge de son développement professionnel par la personne elle-même, qu'elle soit enseignante ou future enseignante ;

    - la pratique réflexive nécessite l'application d'une pensée rationnelle à l'enseignement (rationalité instrumentale et rationalité par rapport à des valeurs éducatives)."

    Il semble que ce moment particulier - introduction de distant dans la pratique - soit un moment privilégié pour interroger la pratique présentielle du quotidien. Pour éviter le travers d'une formation trop axée sur les technologies, pour centrer la problématique sur l'action pédagogique.

     

    Les auteurs proposent d'axer la réflexion selon trois directions :

    1. Le moment de la réflexion : avant, pendant et après l'action. Sur une durée plus ou moins longue;
    2. L'objet sur lequel porte la réflexion : l'enseignement en classe et le contexte social et institutionnel de l'activité professionnelle;
    3. Le contexte de la réflexion : individuel et privé ou à caractère social et public incluant plusieurs partenaires.

    Le journal de bord proposé aux formateurs peut être un outil permettant de consigner les éléments vécus marquants. Il sera plus aisé à chacun de revenir sur des moments passés pour mener une réflexion sur l'avant, le pendant et l'après de l'action.

    Lors d'un regroupement synchrone ou asynchrone l'animateur du groupe pourra s'appuyer sur ces écrits pour mener une analyse avec les intéressés.

     

    (1) Institut National de Recherche Pédagogique - http://www.inrp.fr/inrp

    (2) Site : http://www.inrp.fr/edition-electronique/archives/recherche-formation/web/fascicule.php?num_fas=250

    (3) Université de Sherbrooke (Québec)

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  • Le formateur est confronté au quotidien à la qualité de son action. Mais comment faire pour avoir un retour si le contexte de l'activité est solitaire ? Comme celle de l'enseignant(e) seul(e) dans sa classe qui n'a de miroir de son action que par ses élèves, rarement de ses pairs et de son institution.

    Mireille Cifali (1) , professeur ordinaire à la faculté de Psychologie et des Sciences de l'Education de Genève, nous invite à écrire à propos de notre pratique. Simplement, un peu comme un geste quotidien auquel on n'accorde pas beaucoup d'attention habituellement. Mais, en fait, cette écriture peut devenir un moyen privilégié d'une analyse personnelle de nos actions devant un public.

    "Si on apprend de l'expérience et s'y forme, avec quelle écriture peut-on construit-on des connaissances et les transmettre ? Y a-t-il une écriture spécifique de l'expérience et de la clinique ? Cette interrogation rejoint une autre, au fond fort banale puisqu'elle se résume à ceci : "Comment la pratique quotidienne s'écrit-elle ?" A la poursuite de ces simples questions, j'ai procédé à des recherches historiques - pas totalement abouties - qui me mènent à poser comme hypothèse que le récit serait l'espace théorique de pratiques (Cifali, 1995) (2). Cette  écriture proche de la littérature, que connaissent d'ailleurs l'histoire et l'ethnologie, pourrait être entrevue comme un des modes d'intelligibilité des situations du vivant." - Page 131

    Si le formateur tient à jour un document personnel (un cahier personnel, un journal de bord, un blogue, un portfolio, ...) il garde la trace de ses travaux, de ses interrogations. Il peut plus facilement mener une activité réflexive sur sa pratique.

    Et puis il a la possibilité, à un moment qu'il juge opportun, de partager tout ou partie de ses écrits avec des collègues. Un dialogue peut alors s'instaurer source d'une riche analyse de pratiques.

    Vous pourrez lire, à l'adresse ci-dessous, des extraits de rapports réflexifs que de futurs ingénieurs en foad et des collègues enseignants en poste (master foad de l'Université de Franche-Comté) ont écrits pendant leur formation en 2006. Les uns et les autres ont utilisé un blogue pour consigner leurs écrits :

    >>>  http://www.jacquescartier.net/inti2006/synthese/extraitrapportreflexif.htm <<<

    Leurs tuteurs, formateurs professionnels, avaient également été invités à prendre la plume.

    Bien sûr on pourrait objecter que ce type d'écriture n'a pas grand chose de scientifique. L'auteur ne partage pas cet avis :

    "Notre mentalité scientifique est néanmoins choquée par l'affirmation que le récit serait l'un des espaces de théorisation des pratiques : où sont la théorie et les lois de fonctionnement; qu'apprend-on; de quelles connaissances peut-on se targuer ? Le récit appartenant à la fiction, relevant davantage de la littérature, donc du poétique et de l'imagination, serait à l'opposé de la science, loin du réel et de l'objectivité, donc du sérieux d'une recherche. Pour affirmer que le récit n'a rien à rougir sur le registre de la connaissance; que son écriture ne rejette pas la discipline qui y recourt dans l'approximation d'un art, bien des deuils doivent être réalisés et une certaine conception de ce qui est scientifique retouchée. Les historiens nous y aident. J'écrirai ailleurs pour montrer que toute réalité est reconstruction, qu'il y a non seulement compréhension mais aussi explication dans la mise en récit, et que la singularité de la situation racontée peut toucher au général où beaucoup se retrouvent. C'est à ce prix que le récit figure parmi les outils d'intelligibilité." - Page 132

    (1) "Former des enseignants professionnels" - Quelles stratégies, quelles compétences ?
    Chapitre 6 : "Démarche clinique, formation et écriture" - Mireille Cifali - http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/cifali/
    Léopold Paquay, Marguerite Altet, Evelyne Charlier, Philippe Perrenoud - De Boeck - 2001

    (2) Cifali, M. (1995). J'écris le quotidien. Les cahiers pédagogiques, 331, 56-58.

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  • Lorsque que l'on travaille dans le monde de la formation on fréquente des collègues qui viennent souvent d'horizons très différents. C'est le cas souvent si l'on fait des interventions ponctuelles dans différents organismes.

    Mais qui sont ces formateurs ? Des travailleurs sociaux, des enseignants, des professionnels spécialistes d'un savoir ou d'une technique ?

    Les jeunes qui entrent dans cette activité (est-ce un métier, est-ce une profession ?) restent-ils longtemps dans cette fonction ? Souhaitent-ils aller vers d'autres cieux ? Comment voient-ils professionnellement leurs futurs proche et lointain ?

    Vous serez interpellé(e) par l'ouvrage de Patrick Gravé (1) qui, grâce à une enquête approfondie, donne un éclairage évocateur sur l'identité du formateur, mot passe-partout.

    Morceau choisi :

    " Pour Bernard Liétard (1992), les formateurs sont en quête d'identités sociales et professionnelles. On peut renverser l'assertion et se demander pourquoi cette identité ne s'est toujours pas constituée (ou ces identités ne se sont-elles toujours pas constituées). Et si les formateurs ne devaient surtout pas parvenir à construire leur identité sociale et professionnelle pour pouvoir continuer d'assurer leur rôle  de modifieurs de représentations, leur rôle d'aide à la construction d'identité sociale et professionnelle des apprenants ? Tout se passe comme si les formateurs devaient maintenir cette incertitude quant à leur identité sociale et professionnelle pour pouvoir exercer ces rôles majeurs." - Page 61

    Et dans la conclusion :

    "Bien que formateur, tu n'es pas formateur, tu es enseignant (ou travailleur social ou technicien) ; bien qu'enseignant (ou travailleur social ou technicien), tu n'es pas vraiment enseignant (travailleur social ou technicien), tu es formateur ; les enseignants (ou travailleurs sociaux ou techniciens) sont des formateurs, mais pas comme les autres. En ce sens, ceux que l'on nomme les formateurs d'adultes ne sont-ils pas des sujets interculturés ?" - Page 192

    (1) "Formateurs et identités", Education et formation - Puf - mai 2002

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